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La dynamite à Ste-Brigitte : entre tragédies et dénouements plus heureux

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La Société d'histoire accumule une foule d'informations via les recherches effectuées et les rencontres avec diverses personnes. Très souvent, nous faisons des découvertes auxquelles nous ne nous attendons pas du tout. La quantité d'informations permet aussi de faire des liens inattendus. Qu'est-ce qui réunit la drave, une activité enfantine, un joueur d'orgue et les Rock Machine ? La dynamite, oui vous avez bien lu. De découverte en découverte !


Qu'est-ce que la dynamite ?


Une première découverte que nous faisons en effectuant nos recherches, celle que l'inventeur de la dynamite est nul autre qu'Alfred Nobel.

Alfred Nobel (1833-1896)
Alfred Nobel (1833-1896)

Nous avons été surpris, car on associe généralement ce nom à la paix. Les premiers explosifs consistaient en l’utilisation de nitroglycérine liquide pure.  Cet explosif puissant était toutefois très instable et causait de nombreux accidents.  Nobel aurait découvert par hasard qu’en mélangeant la nitroglycérine avec de la poudre diatomée (une poudre de fossile aquatique), l’explosif devenait stable donc moins dangereux.  On commença alors à développer la dynamite en bâton et en cartouche. L’invention de la dynamite est fort importante puisque cela permettait notamment d’accroître l’exploitation minière et la construction des routes.  Malheureusement, cela a aussi constitué une arme fort destructrice.


Caisse de dynamite Nobel
Caisse de dynamite Nobel

Tragédie au nord de Ste-Brigitte

Manchette du journal L'événement du 22 mai 1933.
Manchette du journal L'événement du 22 mai 1933.

Le 22 mai 1933, une explosion de dynamite survint à bord d’un canot sur le Lac Creux qui est un élargissement la rivière Haute-Savane, un affluent de la Montmorency.  Treize personnes employées par l'Anglo Canadian Pulp, prenaient place à bord de l’embarcation.  L’équipage était composé de onze draveurs (on appelait aussi ces travailleurs, des ‘’flotteurs’’), d’un contremaître et d’un ingénieur. Ces hommes naviguaient en direction d’un embâcle bloquant la circulation du bois, pour le faire exploser.  Sept hommes ont trouvé la mort.  Les survivants ont tous été gravement blessés.


Le tout s’est déroulé en présence d’autres draveurs installés sur la rive.  Ces draveurs ont décrit un spectacle inimaginable et terrifiant. Le canot de 28 pieds de longueur contenait 58 bâtons et cartouches de dynamite qui tous explosèrent.


Une enquête fut menée.  Sans connaître les causes précises, le coroner attribua un verdict de mort accidentelle dû à la négligence du contremaître. En effet, des survivants ont témoignés et indiqué certains faits.  Il était près de 17 h.  C’était le deuxième voyage pour débloquer l’embâcle.  Un des témoins a indiqué qu’on avait augmenté le nombre d’hommes à prendre place dans le canot et qu’ils étaient trop nombreux à bord. Malgré qu’un des témoins ait mentionné ce fait, le contremaître a insisté pour que tous montent à bord.   On apprend aussi que lorsque l’on veut procéder à ce genre de travail, on prépare d’avance quelques bâtons de dynamite avant de monter dans le bateau pour ne pas avoir à faire trop de manipulations lorsque le bâtiment s’agite sur les flots.  Selon les témoins, l’explosion survint alors que l’ingénieur manipulait la dynamite et le détonateur.


Heureusement, dans un sens, aucun citoyen de Ste-Brigitte, n’était sur les lieux lors de la tragédie.  L’accident connu quand même un écho important, car les hommes qui prenaient place à bord venaient de différentes régions du Québec et même du Nouveau-Brunswick.  Il y avait aussi parmi les occupants du bateau, trois frères dont un seul survécu, soit Jos Bilodeau de Ste-Justine.


Bien que n’étant pas vraiment située dans Ste-Brigitte, la tragédie est répertoriée dans ‘’Laval’’ comme on le disait à l’époque.  Ste-Brigitte étant la municipalité la plus proche et la porte d’entrée qui menait à ce territoire fort éloigné.



Pierre tombale de Jules et Henri Bilodeau mort à Laval
Pierre tombale de Jules et Henri Bilodeau mort à Laval

On peut approfondir le sujet spécifique de la drave en consultant l’article publié par Marc Gadoury le 6 février 2024 : La drave sur la Montmorency : entre péril et prospérité



Un jeu d'enfant


À travers les recherches de la Société d’histoire, on a appris que la dynamite avait été  utilisée en premier pour débloquer les embâcles sur la rivière lors du transport du bois. Toutefois d’autres histoires sont apparues. 


C’est lors d’une rencontre avec M Jean-Noël Fortier que le sujet de la dynamite s’est invité curieusement.  Nous regardions la plus ancienne des photos aériennes que la Société d’histoire possède.  La famille de M. Fortier vivait au croisement de la rue des Monardes et de l’avenue Ste-Brigitte (le secteur de l’actuel IGA, du garage Alpin, de la rue qui mène au Golf et du bel étang juste avant le village).  On voit sur la photo aérienne suivante un ensemble de rues et quelques habitations derrière l’étang.



Secteur du développement de Ti-Fred Langevin, rue de l’étang
Secteur du développement de Ti-Fred Langevin, rue de l’étang

M. Fortier nous indique que ce secteur est le développement de Ti-Fred Langevin. Ce monsieur Langevin a jadis développé cette portion de territoire en secteur de villégiature, des chalets comme on en voit à de nombreux endroits à Ste-Brigitte. M. Fortier racontait la situation ainsi :


« Il y avait d’la roche en tabarouette.  Il fallait dynamiter pour faire les chemins. Je n’étais pas bien vieux. J’avais peut-être 10 ans.  A l’époque, le travail ne se faisait pas avec de puissants outils électriques.  Pour creuser, il fallait installer des bâtons de dynamite dans des trous.  Moi, je tenais la foreuse, une lourde pièce de métal.  Monsieur Langevin frappait avec une grosse masse. Je devais tourner la foreuse après chaque coup de masse ». 


Foreuse manuelle d'antan
Foreuse manuelle d'antan

« Quand le trou était creusé, Ti-Fred y mettait la dynamite, puis les rattelles (mèches) Il allumait ça.  Il me prenait par la main. On courait, où il y avait de gros arbres. On allait se cacher derrière.  On retournait là, tout était cassé en morceaux. Quand la mèche était longue, on avait peut-être une minute pour aller s’abriter.  On mettait des branches de sapins et d’épinettes pour minimiser les effets de l’explosion et réduire les risques d’être atteint par les éclats.  C’était vraiment amusant ». 



Deux exemples de courage


Un autre évènement relié à la dynamite a attiré notre attention alors que nous avons appris que l’organiste de l’église jouait de l’orgue malgré qu’il lui manquait une main. C’était monsieur Jos Verret, qui dit-on, avait perdu cette main à cause de la dynamite. Cela constituait pour la Société d’histoire, un évènement particulier à approfondir.



Manchette du Journal Le Soleil, 26 octobre 1966
Manchette du Journal Le Soleil, 26 octobre 1966

Article du Journal L'événement, novembre 1966
Article du Journal L'événement, novembre 1966

Les articles de journaux de l’époque expliquent très bien les circonstances de l’accident survenu lundi 24 octobre 1966.  Nous avons toutefois rencontré M. Jacques Auclair, aussi citoyen de Ste-Brigitte, qui était sur les lieux de l’accident pour qu’il nous en dise davantage.


M. Auclair agissait à titre de surveillant de chantier pour le compte du ministère des Transport.  Il avait notamment travaillé à l’arpentage du chemin.  Il s’agissait de créer une nouvelle route, la Traverse de Laval vers le Lac-Beauport.  La rue du Calvaire ne convenait pas.  Il fallait trouver un nouveau passage. La seule façon d’y arriver était de procéder au dynamitage.


Lorsque l’explosion se produisit, monsieur Auclair était à bonne distance du lieu.  Il discutait alors avec un collègue.  Il était habitué aux explosions.  Celles-ci se déroulaient normalement sous terre, dans le roc. Par contre, l’explosion de l’accident était bien plus violente. Elle était en partie hors sol.  M. Auclair et son collègue ont été surpris par cette violence inhabituelle. M. Auclair constata ce qui était arrivé.  Il accourut vers le lieu.  Il constata qu’il n’y avait malheureusement plus rien à faire pour monsieur Laberge. M.  Verret gisait au sol et se tordait de douleur.  M. Auclair releva M. Verret.  Ce dernier était blessé à la poitrine et au bras.  Il enleva sa ceinture et réalisa tout de suite un garrot en s’assurant que ce dernier soit bien fait.


Par la suite, M. Auclair s’empressa de retourner au village au presbytère.  Le prêtre de l’époque appela les ambulanciers.  M. Verret fut par la suite, pris en charge par ces derniers. On dut finalement amputer une partie du bras de M. Verret et on lui installa une main artificielle. M. Verret qui agissait à titre d’organiste pour la paroisse continua malgré l’amputation à jouer de l’orgue pour les paroissiens.  Monsieur Verret semble avoir été quelqu’un d’assez exceptionnel. Il a déjà été maire de la municipalité.  On lui doit aussi d’avoir opéré un des derniers importants moulins à scie de Ste-Brigitte.  M. Verret avait aussi notamment construit un pont sur la rivière Montmorency pour accueillir le bois coupé sur la rive est de la rivière.  


Autre fait concernant M.  Auclair, cette fois.  Ce dernier qui ‘« en avait déjà vu d’autres » et qui sauva assurément la vie de M. Verret se souvient que pour une longue période de temps, il ressentait de vives douleurs à son propre ventre et à son propre bras, tellement il avait été marqué par la tragédie.


Cette tragédie met en évidence le courage de deux personnes, M. Verret et M. Auclair. 



Remerciements au Rock Machine


Un récent article fort intéressant de la Société d’histoire relatait l’histoire des gangs de motards à Sainte-Brigitte. Dans le cas des Rock Machine, une anecdote surprenante entoure leur passé chez nous. Sans le vouloir, cette bande de motards a donné un coup de main à un organisme de bienfaisance de Ste-Brigitte.


Au tournant des années 2000, un organisme à but non lucratif, le CDES (le Comité de développement économique et social de SBDL) a été mis sur pieds. Une des missions que s’était donnée le comité était de développer un sentier récréatif sur le territoire. Un des défis à résoudre était d’assurer le passage d’un sentier d’une rive à l’autre de la rivière Montmorency. En analysant la propriété des terres sur la rive est de la rivière, le nom d’un des propriétaires d’une terre est apparu étrange. Il s’agissait du Procureur du Québec. Le comité est entré en contact avec le bureau du Procureur. Le comité apprit alors que le Procureur du Québec avait le mandat de gérer les produits obtenus (saisis) de la criminalité. Dans ce cas-ci, la propriété appartenant à un membre des Rock Machine avait été saisie par l’état. C’était le fameux terrain où la police avait trouvé une quantité si importante d’explosifs.


En général, après avoir saisi des biens issus de la criminalité, l’État met à vendre ses produits. De discussion en discussion, le CDES obtint pour un montant minimal très avantageux le terrain. Le Comité prenait possession d’un terrain qui pouvait favoriser le projet de sentier récréatif.


Le projet de sentiers récréatifs n’a pas pu finalement se réaliser sur la rive est de la Montmorency. Le Comité vendit alors la propriété pour une bonne somme d’argent.  Cela a eu pour effet de contribuer au financement de manière non négligeable de l’organisme…grâce au Rock Machine.


Conclusion


Relater ces évènements en lien avec la dynamite permet de revisiter un passé pas si lointain. Cela nous a permis de remarquer l’importance d’une invention, la dynamite. On voit l’application jadis, en termes commerciaux (la drave) et de développement économique d’un territoire (développement domiciliaire et routier). On constate les dangers bien réels liés à l'utilisation de la dynamite et la bravoure des personnes d'autrefois.


Dans le cas de l’histoire de M. Fortier, on réalise aussi le gouffre immense entre les ‘’mentalités’’ d’autrefois et celles aujourd’hui quant à la sécurité des enfants. Finalement on constate heureusement à travers les tragédies qu'apparaissent aussi des moments positifs, de joie et de résilience.


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