top of page
Photo du rédacteurMarc Gadoury

Quand les motards criminalisés terrorisaient Sainte-Brigitte-de-Laval - partie II

Dernière mise à jour : 7 nov.


Dans les années 1990, la paisible localité de Sainte-Brigitte-de-Laval est devenue un point stratégique pour les activités criminelles des Rock Machine, un gang fondé par Salvatore Cazzetta en 1986. Cette période est marquée par une série d'événements violents et de perquisitions significatives, mettant en lumière l'ampleur des activités criminelles dans la région.

 

Les perquisitions répétées, les actes de violence et la découverte de dynamite en quantité suffisante pour souffler un gratte-ciel ont créé un climat de tension et d'insécurité parmi les résidents, amplifié par la guerre des motards qui opposera les Rock Machine aux Hells Angels.


L'implantation des Rock Machine


Comme nous l’avions évoqué dans notre premier article, les Pacific Rebels ont semé les graines d'une violence dans la région qui allait ressurgir de manière encore plus intense dans les années 90. Ce premier groupe, avec ses rivalités et ses activités criminelles, a pavé la voie à l'arrivée des Rock Machine, dont l’influence allait transformer le paysage criminel de La Belle Province. Certains anciens membres des Pacific Rebels n'ont d'ailleurs pas tardé à rejoindre ce club émergent.

 

Les Rock Machine ont structuré leurs opérations autour d'un éventail d'activités illégales – trafic de stupéfiants, extorsion, prêt usuraire, blanchiment d'argent, trafic d'armes, et prostitution – générant ainsi des revenus substantiels pour financer leurs opérations et renforcer leur influence.

 

En combinant ces activités criminelles diversifiées, les Rock Machine ont mis en place un modèle économique sophistiqué et lucratif, qui leur a permis de recruter de nouveaux membres et d'étendre leur influence à travers de nombreuses régions, de Montréal à Québec.

 

Dans la région de Québec, les Rock Machine ont rapidement étendu leur influence. En 1988, ils établissent un repaire fortifié sur le boulevard Raymond, à Beauport, surnommé Le bunker. Ce lieu, équipé de mesures de sécurité sophistiquées, servait de quartier général pour leurs opérations.

 

Au cours de leurs premières années d’existence, les Rock Machine « ont des liens avec les principales organisations criminelles de la métropole, des Hells Angels aux frères Dubois en passant par la mafia italienne et le Gang de l'ouest » écrit André Cédilot dans La Presse en octobre 1993. Le journaliste ajoute que contrairement à d’autres motards criminalisés, « les membres du groupe ne portent pas de vestes aux couleurs du club » et que certains corps de police ne les considèrent pas officiellement comme un groupe de motards…

 

Cependant, les activités criminelles croissantes des Rock Machine les ont rapidement opposés aux Hells Angels et leurs filiales…

 

Le feu aux poudres

 

En juillet 1994, les autorités policières démantèlent un projet d’attentat (La presse, 15 juillet 1994, Cahier A) que préparaient les Rock Machine à l’endroit des Evil Ones, un club affilié aux Hells Angels. L’enjeu : le contrôle du marché de la drogue au centre-ville de Montréal qui était sous la mainmise des Rock Machine.

 

Les Evils Ones voulaient profiter de la présence des dirigeants des Rock Machine, les frères Giovanni et Salvatore Cazzetta, derrière les barreaux pour s’emparer du marché et éliminer leurs concurrents. Or, les Rock Machine planifiaient d’utiliser trois bombes puissantes actionnées à distance pour couper court au projet des Evil Ones.

 

Ce projet va non seulement être le point de départ d’une guerre meurtrière entre clubs rivaux, mais les autorités policières, alertées par ce projet criminel d’envergure, vont rapidement intervenir pour essayer de calmer le jeu.

 

C’est ainsi qu’une importante perquisition est menée par la Sûreté du Québec au "bunker" des Rock Machine à Québec (Le soleil, 4 août 1994, Cahier A). Elle aboutit à la saisie d'un arsenal impressionnant : une quarantaine d'armes, dont trois fusils-mitrailleurs M-1, plusieurs pistolets, revolvers et couteaux. De petites quantités de PCP, de haschisch et des billets de banque sont également confisqués. Lors de cette opération, deux lieutenants du gang sont également arrêtés dans des résidences à Sainte-Brigitte-de-Laval.

 

L’escalade de la violence entre les motards criminalisés

 

Entre août 1994 et septembre 1995, la province de Québec connaît une moyenne de deux attentats par mois liés à la guerre des motards.

 

Le 9 août 1995, une explosion visant un revendeur de drogue affilié aux Rock Machine tue Marc Dubé et provoque la mort tragique de Daniel Desrochers (La presse, 10 août 1995, Cahier A), un enfant de 11 ans, marquant profondément l'opinion publique.

 

En novembre 1996, un dirigeant des Rock Machine échappe à une tentative d'assassinat sur le boulevard Raymond à Beauport (Le Soleil, 15 novembre 1996). Après l'attaque, il tente de rejoindre le "bunker", mais sa voiture termine dans un fossé, entraînant la fermeture temporaire de la route entre Sainte-Brigitte-de-Laval et Beauport pour permettre l'analyse de la scène de crime.

 

Assez de dynamite pour causer des dommages comparables à Oklahoma City


Les particularités géographiques de Sainte-Brigitte-de-Laval (localité isolée, boisée, enclavée et isolée) vont servir de cache idéale pour l’arsenal explosif des Rock Machine. Entre 1989 et 1997, les mentions de découvertes ou de perquisitions de dynamite vont se succéder à un rythme fou.

 

En mai 1989, on découvre une dizaine de bâtons de dynamite, dans une boite verte du genre de celle qu’on utilise dans l'armée, déposée sous un pont, rue Moulin-Vallière (Le soleil, 1 mai 1989, Cahier A). Le paquet a été récupéré par les techniciens en explosifs de la Sûreté du Québec.


En novembre 1996, des policiers de l’escouade Carcajou découvrent quelque 30 kg (66 livres) de dynamite dans un sac de sport caché sous une plate-forme de bois érigée dans un sentier forestier, loin des habitations. Ils ont également trouvés 241 détonateurs, un fusil-mitrailleur et une arme de poing (La presse, 30 novembre 1996, Cahier A).

 

En mai 1997, l'escouade Carcajou mène l’opération Roma visant à saisir les biens des Rock Machine, incluant le "bunker" de Beauport. La perquisition permet de mettre la main sur des armes à feu, des accessoires de laboratoire, des produits chimiques, des détonateurs…et 770 livres de dynamite dans un chalet de Sainte-Brigitte-de-Laval (Le soleil, 23 mai 1997, Cahier A). L’article de Claude Vaillancourt soutient que « les 770 livres de dynamite retrouvés, mercredi, dans un chalet de Sainte-Brigitte-de-Laval, auraient, en explosant, causé des dommages comparables à ceux constatés à Oklahoma City en avril 95 ». Ce qui est encore plus troublant, c’est que sans la curiosité des policiers attirés par un chalet dont la toiture s’était effondrée sous le poids de la neige, la dynamite n'aurait peut-être jamais été retrouvée.

 

Renforcement des lois antigang

 

Au cours des nombreuses perquisitions, Carcajou a mis sous séquestre des biens pour une valeur de 4,4 millions $ dont 1,4 million $ pour la seule région de Québec. Mais au-delà de ces perquisitions, de ces nombreux attentats, meurtres et victimes collatérales dont la mort du jeune Desrochers, les autorités gouvernementales font tenter de renforcer leur législation pour lutter contre le crime organisé et ralentir l’activité des motards.

 

En 1997, le ministre de la Justice Allan Rock a déposé le projet de loi C-95, adopté rapidement et entré en vigueur la même année. Cette première loi antigang a introduit une définition légale de « gang » et créé l'infraction de gangstérisme, permettant d'imposer des peines plus sévères pour les activités criminelles organisées.

 

De 1998 à l’opération Printemps 2001

 

Bien que la guerre des motards se poursuive, elle connait une relative accalmie après les nombreuses perquisitions et saisies, les multiples arrestations et l’adoption de la loi C-95.

 

Sainte-Brigitte-de-Laval va revenir dans l’actualité à certaines occasions en lien avec les activités des motards criminalisés. Par exemple, en février 1998, des Rock Machine sont pris sur le fait en train d’ensacher de la cocaïne dans un chalet de Sainte-Brigitte-de-Laval.


Certains membres des Rock Machine vont commencer à courtiser les Bandidos, un groupe de motards criminalisés basé aux États-Unis et actifs dans les pays scandinaves où ils sont en guerre avec les Hells Angels.  

 

Le mariage entre les deux organisations est officiellement consommé en décembre 2021 (Le soleil, 5 décembre 2012, Cahier A). Ce qui aurait pu devenir un autre prétexte à une nouvelle intensification de la guerre de motards sera toutefois rapidement stoppé par le système judiciaire et les autorités policières.

 

Malgré les mesures mises de l’avant avec la loi C-95 en 1997, des défis sont apparus en raison de la complexité et des limites de la loi. Ainsi, en 2001, le gouvernement adopte le projet de loi C-24, qui remplace la définition de « gang » par celle d'« organisation criminelle » et a élargi les outils juridiques pour poursuivre les membres de ces organisations.

 

Ces lois ont permis aux forces de l'ordre de mener des opérations majeures, dont l'opération Printemps 2001 (La Presse, 29 mars 2001, Cahier A), qui a conduit à l’arrestation de nombreux membres de gangs de motards et contribué à réduire leur influence au Québec.

 

Conclusion

 

La guerre des motards des années 1990 a laissé une empreinte indélébile sur Sainte-Brigitte-de-Laval, transformant ce havre tranquille en théâtre d'une violence sans précédent. Les multiples perquisitions, les renforts législatifs et les opérations policières, comme l’opération Printemps 2001, ont permis de désamorcer en partie cette menace, mais le souvenir de cette époque reste gravé dans la mémoire collective.

 

Ce chapitre sombre de notre histoire locale nous rappelle à quel point l'influence des gangs de motards a marqué le Québec. Si les autorités ont depuis réussi à contenir en partie ces groupes criminels, il appartient à notre communauté de préserver la mémoire de ces événements pour en tirer des leçons. La violence des années 90 n’est plus, mais la vigilance doit rester de mise.

 

Si vous possédez des informations supplémentaires ou des commentaires concernant cette époque trouble (photos, témoignages, anecdotes), n'hésitez pas à nous écrire à societehistoiresbdl@gmail.com.

Autres sources :


282 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page