Auteur inconnu, « Arrivée d'émigrants irlandais à Cork - La scène du quai », Canadian Illustrated News, 10 mai 1851, p. 386, en ligne sur Bibliothèque et Archives Canada, MIKAN 4627493. Licence : domaine public
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Pour en savoir davantage sur la présence des colons irlandais dans ce qui deviendra Ste-Brigitte-de-Laval, nous possédons quelques ressources importantes, dont l’une est le recensement de 1851, qui a le grand avantage d’indiquer l’origine (comté) de certains des habitants. Ainsi, même si la transcription est parfois approximative (par exemple on mentionne le nom de « Prary » au lieu de Tipperary), on donne l’endroit en Irlande d’où viennent certains des immigrants. Sinon, nous avons pu déterminer leur lieur d’origine d'après les actes de baptême, de mariage ou de sépulture. Ceux-ci étaient parfois plus précis en nommant par exemple la paroisse de Templemore. Nous allons donc jeter un coup d’oeil sur les gens qui habitaient la paroisse de Laval au milieu du XIXè siècle. Nous avons aussi quelques informations provenant de recensements antérieurs (1825, 1831 et 1844)
Comté de Tipperary
John Bolan (fils) et Ann Mooney William Nicholson et Johanna Fleming Patrick Dawson et Catherine Condrick John Dawson et Johanna Hurley
Matthew Keough et Mary Dawson Catherine Reilly (veuve John Bolan)
John Keough (Hough) et Margaret Dawson Jeremiah Tierney et Sarah Arnold
William Carroll et Anne Dawson Philip Dawson (veuf de Mary Hickey)
Martin Stapleton et Mary Kelly Richard Ryan (Limerick) et Jane Dawson
James Stapleton et Catherine O’Brien
Comté de Waterford
Michael Heafy et Johanna Bolan (Tipperary) John Gibson et Mary Walsh
Thomas Ryan et Catherine Power John Brophy et Ann Maloney
John Hurley et Mary O’Brien Edward O’Brien et Catherine Heafy
Comté de Kilkenny
Luke Whelan (Phelan) et Mary Dalmer John Fardy et Mary Murphy
John William Foran (Veuf Abigail Hutchison) Anastasia Lynch et Edward Rockett (?)
Comté Offaly (King’s)
Thomas Jennings et Mary Duffy Michael Scully et Bridget Dourly
Comté Wexford
John O’Brien et Flora Stratton
Comté Monaghan
Michael Spelman et Margaret McDonough
Origine exactes inconnue
John Walsh et Mary Walsh James McKinley et Mary McKenna
Michael Ray et Margaret Mooney William Jennings et Mary Quinn
Bridget Murphy (épouse de Gabriel Garant)
Michael Corcoran et Emile Gagnon Ellen Corcoran et Narcisse Clavet
Origine exactes inconnue et parti de Laval après 1851
James O’Neil et Alice Hayes John McDonald et Margaret Quinn
William Cummings et Margaret ? John Charter, veuf
Enfin, on mentionne le nom d’un instituteur appelé Thomas Bagrane (?), originaire de Dublin.
Il y a aussi le nom de deux jeunes filles, Catherine Daly, 12 ans, et Bridget O’Connell, 14 ans, qui semblent être des orphelines adoptées par Pierre Filion et Caroline Vézina. Bridget reparait avec cette famille en 1861, mais sous le nom de O’Connor. On ne connait pas le sort de ces deux jeunes filles et la famille Filion est à St-Joachim en 1871.
On voit donc un noyau de familles qui est arrivé à peu près en même temps, vers 1830, du comté de Tipperary, et d’autres des comtés voisins de Kilkenny, Offaly et Waterford. Seul le comté de Monaghan, situé au nord, fait bande à part si on peut dire (voir la carte des 32 comtés).
Les informations du recensement
Bien que les informations (transcription des noms) soient parfois inexactes, le recenseur nous donne plusieurs informations sur la paroisse. Je ne l’ai pas mentionné ici car le sujet qui nous concerne est l’origine des colons irlandais, mais on indique aussi l’origine des habitants canadiens-français comme St-Roch, St-Férréol, St-André, Beauport, St-Augustin, etc. Il nous dit également que la chapelle peut contenir 150 personnes.
En tout, on retrouve 69 maisons et près de 400 habitants, soit 194 de sexe masculin et 199 de sexe féminin. Il y a eu 24 naissances et 5 décès pendant l’année 1851.
Il y a deux moulins à scier le bois, dont un est propriété du Séminaire, et l’autre à un Mr. Hary (Hall?), mais ils sont presque en ruine…
Le recenseur, dont le nom semble être Drapeau constate également que:
« Les terres sont concédées par les Messieurs du Séminaire de Québec, à l’arpent en superficie-la seigneurie borné devant au fleuve St-Laurent et par derrière à 6 lieues de profondeur, au sud-ouest à la seigneurie de Peter Paterson (Lac Beauport), au nord-est à la rivière du Gouffre dans la Baie St-Paul. Il y a 6 rangs en partie habités. Les terres dans Laval valent à peu près 5 Livres l’arpent défriché en superficie et dix Chelins celle en bois debout. »
Les données agricoles
Bien que l’agriculture ne soit pas très avancée, notons ici les données recueillies par le recenseur Drapeau.
On compte 70 terres agricoles, pour une superficie totale de 2079 arpents, dont un peu plus d’un tiers, 822, sont en culture. Les terres sont habituellement de 100 arpents, mais celles de John Bolan, Michael Heafy, John Gibson et Pierre Filion ont 200 arpents alors que Nicolas Thomassin en a 400, dont 110 cultivés. En 1851, 411 arpents ont produit une récolte, 411 sert en pâturage, alors que plus de 1250 arpents sont encore en bois debout.
Production agricole:
Arpents Production (en minots)
Blé 34 100
Orge 12 34
Pois 65 201
Avoine 526 4 375
Patates 124 12 541
Navets 90 1 367
(Le minot est une ancienne unité de mesure française. Comme l'arpent, c'est la mesure généralement en usage parmi la population francophone, mais particulièrement dans l'ancienne zone seigneuriale du Québec) https://www.erudit.org/fr/revues/haf/1989-v43-n2-haf2387/304788ar.pdf
On a produit 31 835 bottes de foin, 75 livres de lin ou chanvre, 141 livres de laine, 10 599 livres de sucre d’érable, 51 verges d’étoffe, 58 verges de toile, 19 verges de flanelle.
On possède aussi un peu de bétail, dont 29 taureaux, boeuf ou bouvillons, 186 vaches laitières, 65 veaux et génisse, 44 chevaux, 64 moutons, 106 cochons, avec lequel on a produit entre autres 10 435 livres de beurre et 24 095 barils de lard.
À noter que plusieurs des fermes produisent très peu de récoltes, les terres étant majoritairement non défrichées.
Selon Soeur Ursule Sanchagrin, 58% des habitants en 1851 sont Irlandais, et 41% Français. Cette majorité irlandaise demeure inchangée en 1861, mais diminue rapidement après 1881. La population d’origine irlandaise était avant le recensement presque entièrement irlandaise ainsi que l’attestent les données du registre paroissial.
Les récoltes en 1844
On compte 2808 arpents occupés, dont seulement 446 ont été cultivés. Ici, la production est comptée en boisseaux de Winchester:
Blé 33 Avoine 1413 Orge 88 Patates 6300
Seigle 4 Sucre d’érable 850 livres
On y trouve alors 78 bêtes à corne, 18 chevaux, 54 cochons, mais aucun mouton. Il y avait 4 moulins à scie. On voit donc que la surface cultivée a doublé en 7 ans et que la production de sucre d’érable a augmenté considérablement en 1851.
Le recensement du Bas-Canada de 1831
Lors de ce recensement, nous avons pu retrouver quelques familles dans le recensement de la paroisse de L’Ange-Gardien. Les derniers rangs de cette paroisse seront éventuellement rattachés à Laval. On trouve les noms suivants:
François Fafard 7 personnes
Philip Quinn 9 personnes
Joseph Gallinor (?) 5 personnes
Marchand Stapleton 7 personnes
On suppose facilement que Marchand est en fait Martin Stapleton. Pour ce qui est de l’autre nom, il pourrait s’agir de Carroll ? ou de Commerford. Philip Quinn fut un des premiers à obtenir une concession à Laval, mais n’est pas resté puisqu’il n’apparait plus en 1851. Thomas Corcoran, dont un fils et deux filles seront brièvement à Laval, est cordonnier à Beauport en 1831 et apparait dans ce recensement dans le village.
L’établissement de St-Dunstan en 1831
Déjà, un grand nombre de familles irlandaises et écossaises sont établies à St-Dunstan, aussi appelé le Waterloo Settlement car certains des chefs des familles écossaises ou anglaises comme les Simons et Berryman, sont d’anciens officiers ayant servi lors des guerres napoléoniennes. Contrairement à une croyance longtemps répandue, rien n'indique que les habitants sont des vétérans de la fameuse bataille...
On y trouve certains des noms irlandais qui seront plus tard liés à Laval comme Kavanagh, Foran, Carroll, Scully…et mon ancêtre Edward O’Brien. Les actes de baptême, mariage et sépulture des ces familles sont enregistrés à Ste-Brigitte. Les informations contenues dans ces actes montrent un lien entre les familles des deux communautés puisque les uns et les autres agissent en tant que parrains, marraines, témoins aux mariages et enterrements.
Le recensement des paroisses de 1844
Cette année-là, on recense le nombre de maisons habitées dans les paroisses du Bas-Canada. Dans le comté de Montmorency (page 13 et suivantes), on relève 39 maisons habitées à Laval et 70 à St-Dunstan, tout comme dans le Township de Stoneham. Parmi ces maisons, 37 sont habitées par le propriétaire. On compte 231 habitants, dont 1 né en Angleterre, 105 en Irlande, 3 en Écosse, 56 du Canada français et 66 du Canada mais d’origine ‘britannique’. À St-Dunstan, on compte 178 Irlandais, 22 Anglais et 11 Écossais, et seulement 39 habitants d’origine ‘canadienne’. On note aussi qu’une personne est aveugle. Pour la religion, il y aurait 11 personnes appartenant à l’église anglicane, 7 à l’église d’Écosse. ( https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/3168468)
Nombre de maisons habitées
Le recensement manquant de 1851
Quelques familles qui s’établissent à Laval sont probablement recensés à Beauport lors du recensement de 1851, et malheureusement ce document n’existe plus. Ainsi, la famille de Sarah Keough, veuve de William Dawson décédé en 1847 (du comté de Tipperary évidemment), y est probablement avec ses enfants Mary Jane, Philip, Margaret, Anna, Ellen et William, ancêtre du président de la SHSBDL, Allen Dawson. De même, il y avait vraisemblablement deux autres familles qui vont marquer l’histoire de Laval, soit celle de Martin Whelan (Phelan) et Ann Mooney et celle d’Owen O’Neil et Mary Whelan (fille de Martin), originaires de Kilkenny. On devrait également y trouver Helen Whelan, veuve de Richard Quinn, originaires aussi de Kilkenny. On peut supposer un lien entre ce Quinn et Philip Quinn, un des premiers concessionnaires de Laval dont on a perdu la trace.
Le recensement de 1825
Un dernier document nous donne des renseignements sur quelques Irlandais déjà établis dans le settlement de Waterloo, (soit Lac Beauport ou St-Dunstan), dans les pages du recensement de Beauport. Ainsi on retrouve Edward Comerford ( 6 personnes), James McKinnis (3), Thomas McKinnis (3), Patrick Scully (6). Les premiers arrivés dans cette nouvelle colonie ouverte par l’enseignant et journaliste anglais William Shadgett, agissant pour le seigneur Juchereau-Duchesnay, sont arrivés dès 1821. On n’a retrouvé aucun descendant de la famille Comerford, quant aux Scully, ils ont émigré dès les années 1840 en Beauce où on y retrouve de nombreux descendants.
Source:
La liste des concessions de Soeur Ursule
Si on regarde cette liste qu’a dressé Soeur Ursule, on constate que plusieurs de ces personnes ne sont plus à Laval en 1851, des noms comme Enright, Shortell, Lawlor, McLaughlin, Morrison…En revanche, on y trouve dès 1834 les noms de Foran, Kavanagh, Fardy (Farley), Quinn, O’Brien (John), en 1835 et 1836, Bolan, Nicholson , Fleming, McKenna et Tierney. Le premier Dawson apparait en 1839, Martin Stapleton en 1838 et Luke Phelan en 1840. Les autres Dawson apparaissent après 1853, ce qui semblent confirmer le fait qu’ils étaient encore à Beauport en 1851. Il est donc probable qu'avant de s'établir à Laval, plusieurs de nos Irlandais ont vécu quelque temps en ville, à Québec ou Beauport, et ont travaillé comme journaliers.
Source:
Naissances en Irlande
Le recensement nous indique que plusieurs des enfants des colons irlandais sont nés en Irlande, donc qu’ils sont arrivés ici avec plusieurs de leurs enfants, comme Luke Whelan et Mary Dormer, dont les 3 premiers sont nés en Irlande, et leurs deux plus jeunes à Laval. C’est le cas de plusieurs des familles, ce qui donne une date d’arrivée dans les années 1840. Les exceptions, c’est-à-dire les familles arrivées avant les années 1840, sont celles de Ed Rockett et Anastasia Lynch, John Hurley et Mary O’Brien, Catherine Reilly et John Bolan, John Keough et Margaret Dawson, William Carroll et Anne Dawson, Richard Ryan et Jane Dawson, Martin Stapleton et Mary Kelly. En tout, près de 150 des 400 habitants sont nés en Irlande. La seule autre origine étrangère est celle de John (Jean) Le Rossignol, qui est né sur l’île Anglo-Normande de Jersey, et dont plusieurs descendants sont encore parmi nous.
Ayant établi que plusieurs des familles sont arrivés en même temps, au début des années 1830, on peut supposer que quelques autres groupes les ont suivies. Nous verrons ultérieurement pour quelles raisons ces familles ont immigré ici, mais en sachant que plusieurs des hommes en question étaient des travailleurs agricoles, sans terre, qui devaient constamment se déplacer en quête d'ouvrage, ils ont vu dans cette traversée de l'Atlantique une opportunité pour une meilleure vie, comme continuent de le faire aujourd'hui, des millions de personnes. Une histoire à suivre...
La première page du recensement de 1851.
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