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Des documents inédits sur Winston Churchill découverts à Sainte-Brigitte-de-Laval

Photo du rédacteur: Allen Dawson et Marc GadouryAllen Dawson et Marc Gadoury

Dernière mise à jour : 12 déc. 2024


Le premier ministre Winston Churchill et sa femme Clementine au lac des Neiges en août 1943. Collection familiale Ginette Fortier et Michel Bernier. Reproduction interdite.

Une histoire locale qui rejoint l’histoire mondiale. Un récit à couper le souffle que nous vous dévoilons aujourd’hui.


Imaginez Winston Churchill, cigare à la main, assis paisiblement sur la galerie d’un camp de pêche caché au cœur des forêts des Laurentides. Ce n’est pas une scène tirée d’une fiction, mais bien une page méconnue de l’histoire qui vient de ressurgir, ici même, à Sainte-Brigitte-de-Laval.


Lors du marché de Noël du 8 décembre 2024, une rencontre inattendue a changé notre perception de ce moment historique. Mme Ginette Fortier et M. Michel Bernier nous ont remis deux trésors jusqu’ici inconnus : une photographie et un registre signé de la main même du légendaire premier ministre britannique. Des fragments d’histoire, les seuls à notre connaissance, qui confirment matériellement le passage de Winston Churchill au lac des Neiges en août 1943, à la suite de la Conférence de Québec. Allen et moi étions bouche bée devant ces précieux documents...

 

Un souvenir ancré dans la mémoire collective

 

Grâce à plusieurs sources, nous savions déjà que le Premier ministre britannique Winston Churchill (30 novembre 1874 - 26 janvier 1965) avait été invité au pavillon de pêche du lac des Neiges par le colonel Frank Clarke, directeur de l’Anglo-Canadian Pulp & Paper Mills, un ami personnel de l'homme d'État, au lendemain de la Conférence de Québec. Pour s’y rendre, il fallait alors traverser Sainte-Brigitte-de-Laval, emprunter les terres du Séminaire de Québec, puis longer la rivière Montmorency par les chemins forestiers entretenus par la compagnie forestière .

 

Depuis la fondation de la Société d’histoire il y a six ans, nous avons recueilli plusieurs témoignages sur cet événement. Louis-Paul Fortier, un résident de Sainte-Brigitte-de-Laval, se rappelle même avoir vu un cortège de jeeps traverser le village, l’une d’elles tirant une chaloupe. Ce récit est narré dans l’épisode 4 de notre série de baladodiffusion Une histoire vivante, animée par l’actrice Dorothée Berryman.


Dans son récent ouvrage Churchill et Roosevelt à Québec, publié chez Septentrion, l'auteur Charles André Nadeau confirme l'envergure du convoi : « Dix-sept voitures militaires et neuf camions ont déplacé ces personnages, divers subalternes, des provisions et du matériel nécessaire au travail dont ils ne peuvent jamais prendre véritablement congé. »

 

Cependant, aucune source matérielle de ce séjour dans les Laurentides n’avait été retrouvée jusqu’à maintenant. Tout a changé le 8 décembre 2024!  Mme Ginette Fortier et M. Michel Bernier nous ont partagé ces deux fragments d’histoire que nous voulons maintenant partager avec vous.

 

Churchill immortalisé : une photo historique au camp du lac des Neiges

Le premier ministre britannique Winston Churchill et sa femme Clementine au lac des Neiges en août 1943. Collection familiale de Ginette Fortier et Michel Bernier. Reproduction interdite.

Le premier document : une photo de Winston Churchill, fumant un de ces fameux cigare, assis sur la galerie de bois d'un camp, tout en lisant un document. À sa gauche, sa femme Clementine Ogilvy Spencer-Churchill (1 avril 1885 - 2 décembre 1977) lit paisiblement un bouquin, une couverture reposant sur ses jambes. Qui est cette personne couchée aux pieds de l’homme d’État? Il s'agirait possiblement de Mary S. Churchill, leur fille, ce qui explique cette proximité. Ce détail a été signalé par un lecteur du journal Le Devoir à la suite de leur article sur notre découverte. Ça fait énormément de sens.

 

On remarque également des hommes entourant le couple, dans une atmosphère détendue.


Signature de Winston Churchill, Mary S. Churchill, Ralph Thompson et John M. Martin dans le registre du lac des Neiges, le 26 août 1943. Collection familiale de Ginette Fortier et Michel Bernier. Reproduction interdite.

Le deuxième document est tout aussi remarquable : un extrait du registre du camp du lac des Neiges, portant le titre Snow Lake, signé de la main même de Winston Churchill la journée du 26 août 1943. Sous sa signature, un croquis d’un poisson esquissé vraisemblablement par l’homme d’État ajoute une note personnelle, à l'ensemble.


On retrouve également la signature de Mary Spencer-Churchil (15 septembre 1922 - 31 mai 2014), sa fille, avec un autre croquis de poisson indiquant à la blague «Life size» (grandeur nature).


Churchill signe à nouveau le registre deux jours plus tard, le 28 août 1943, juste sous la signature de son épouse et confidente, Clementine Churchill.


Signature de Winston Churchill, sa femme Clementine S. Churchill, mais également Lord Moran, Alexander Cadogan, Leslie Rowan, Hastings Ismay, W.H. Thompson le 28 août 1943. Collection familiale de Ginette Fortier et Michel Bernier. Collection familiale de Ginette Fortier et Michel Bernier. Reproduction interdite.

Les autres signatures du registre nous indiquent qui accompagnait Churchill lors de cette excursion et nous permettent peut-être d’identifier les autres hommes présents sur la photo.

 

Dans la garde rapprochée de Churchill, on retrouve parmi les signataires du registre :

 

  • Le général Hastings Lionel « Pug » Ismay (1887-1965), le chef d'état-major du ministre de la Défense, Secrétaire du Conseil impérial de défense. Ismay joua un rôle central dans la coordination des décisions militaires et politiques britanniques durant la guerre. Il est le principal conseiller militaire de Churchill lors des conférences. Son surnom Pug (carlin) était une référence à son apparence robuste et sa loyauté sans faille.

  • Walter H. «Tommy » Thompson (3 décembre 1890 – 18 janvier 1978), un détective à la retraite et le garde du corps de Churchill.

  • Lord Moran, le médecin personnel de Winston Churchill.

  • John Miller Martin (15 octobre 1904 – 31 mars 1991), secrétaire particulier principal du premier ministre Winston Churchill.

  • Le commandant Charles Ralfe « Tommy » Thompson (22 novembre 1894 – 11 août 1966) était un officier de la Royal Navy britannique et aide de camp du premier ministre Winston Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale.

  • Alexander Montagu George Cadogan (25 novembre 1884 – 9 juillet 1968), sous-secrétaire permanent aux Affaires étrangères de 1938 à 1946.

  • Sir Thomas Leslie Rowan (22 février 1908 – 29 avril 1972), haut fonctionnaire britannique qui a servi en tant que secrétaire particulier principal du premier ministre Winston Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale.


La page couverture du précieux registre intitulé Snow Lake.

Dans le registre du camp du lac des Neiges, on apprend également que le président Franklin Delano Roosevelt (30 janvier 1882 - 12 avril 1945), 32e président des États-Unis, aussi présent à la Conférence de Québec, avait eu comme objectif d’accompagner Churchill au camp de lac des Neiges, mais sa visite a été annulée à la dernière minute.


Au cours des prochaines semaines, nous allons analyser l’intégralité du registre pour tenter d’identifier d’autres personnalités qui ont eu la chance de passer au camp du lac des Neiges. Nous savons que le premier ministre du Québec Jean Lesage (10 juin 1912 - 12 décembre 1980) a visité de camp le 26 août 1962. Le « père de la Révolution tranquille » écrit dans le registre « Par hasard, - heureux hasard -, revenu après 19 ans pour la plus belle pêche du monde ! ».


Photo et mot personnel du premier ministre du Québec Jean Lesage lors de son passage au lac des Neiges, le 26 août 1962. Collection familiale Ginette Fortier et Michel Bernier. Reproduction interdite.


Le passage de Churchill dans les médias de l’époque


Le journal La Patrie, dans son édition du 1er septembre 1943 (p. 2), rapporte que Churchill a partagé son séjour entre deux camps : « La cabane de Montmorency », connu aussi sous le nom du Rigolet, et celui du lac des Neiges.

 

L’édition du 1er septembre 1943 du journal Le Devoir (p. 8) souligne que « M. et Mme Churchill et leur fille Mary ont passé dans les Laurentides à faire la pêche. Ils ont eu pour rameurs, pour guides et pour cuisinières des Canadiens français et des Canadiennes françaises. Au repas, ils ont parlé français. Mme Churchill et sa fille surtout ont constamment conversé en français avec les deux cuisinières...».

 

Est-ce que la pêche a été fructueuse? Le journal Le Devoir rapporte que « Wilfrid Thibodeau a conduit l’embarcation qui portait les Churchill sur la rivière Montmorency, son fils Roland a servi de guide aux visiteurs anglais au lac des Neiges où Churchill a pris des truites de plus de trois livres…».

 

Des journalistes ont tenté d’entrapercevoir le Premier ministre britannique lors de son séjour au lac des Neiges. Notre collègue Alain Marcoux avait déniché un article du Toronto Star qui rapportait cette tentative de documenter le voyage de pêche sur place. Or, le journaliste s’est buté à la barrière du séminaire de Québec gardée par Mme. Turmaine. Le journaliste avait tout de même capté une photographie du hameau Labranche en guise de prix de consolation.

 

La présence Winston Churchill à la Conférence de Québec


Rappelons que la Conférence de Québec (nom de code QUADRANT) est une rencontre militaire qui s’est déroulée du 17 au 24 août 1943, durant la Seconde Guerre mondiale, réunissant les gouvernements britannique et américain. Les pourparlers eurent lieu à la citadelle de Québec et au château Frontenac, entre Winston Churchill et Franklin D. Roosevelt. Le premier ministre canadien William Lyon Mackenzie King aurait eu un rôle mineur dans les discussions selon l'historien Charles André Nadeau.


Lors de cette rencontre, les Alliés prirent plusieurs décisions stratégiques majeures :


  • Renforcer les bombardements sur l’Allemagne.

  • Accélérer l'accumulation de troupes américaines et britanniques en vue de la libération de la France, notamment la planification d'un débarquement en Normandie, nommé opération Overlord


En parallèle, Churchill et Roosevelt signèrent en secret l’accord de Québec, intégrant le programme nucléaire britannique Tube Alloys au projet Manhattan, qui visait la mise au point de la bombe atomique.


Une deuxième conférence aura lieu du 11 au 16 septembre 1944 à Québec et réunira, au château Frontenac, les mêmes acteurs que celle de 1943.


Quand l’histoire mondiale croise le chemin de l’histoire locale

 

La découverte de ces documents exceptionnels relie notre territoire à un moment d’une importance mondiale. En ces lieux où Winston Churchill s’est accordé un rare moment de répit, nous prenons conscience que l’histoire se cache parfois dans les détails les plus inattendus : une photographie oubliée, un registre signé, ou encore un témoignage transmis de génération en génération.

 

Ces fragments d’histoire ne sont pas que des souvenirs d’un passé lointain : ils témoignent de l’impact durable des grands événements mondiaux sur nos communautés locales. Aujourd’hui, grâce à ces découvertes et à l’engagement de citoyens passionnés, notre patrimoine s’enrichit et prend vie sous nos yeux.

 

Plus qu’une anecdote, la présence de Churchill au lac des Neiges est un rendez-vous entre mémoire et histoire, où notre territoire s’inscrit comme un témoin discret, mais précieux, des coulisses de la Seconde Guerre mondiale. Nous espérons que cette histoire inspire curiosité et fierté, et qu’elle continue d’éveiller l’intérêt des générations à venir.


Pour toute demande d'information ou d'entrevue, veuillez nous écrire à societehistoiresbdl@gmail.com.

À consulter également, l'excellent article de la journaliste Pascale Lévesque sur notre découverte parue dans le journal Le Soleil.


 

 

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