Dans les années 1852-1853, le peintre canadien d'origine néerlandaise Cornelius David Krieghoff (1815-1872) va s’établir pour une dizaine d’années dans la ville de Québec où il réside notamment sur la Grande-Allée.
Durant son séjour dans la région de Québec, « Krieghoff met l'emphase sur des espaces sauvages qui entourent la ville et viennent l’effleurer » explique Didier Prioul dans son article Krieghoff à Québec : l’invention d’un nouvel espace, The Journal of Canadian Art History/Annales d'histoire de l’art canadien (2003). C’est dans son contexte qu’il va peindre des scènes à Lac Saint-Charles, Lac Beauport, Saint-Ferréol et à Laval, ancien nom du territoire de Sainte-Brigitte-de-Laval.
À cette époque, Laval est en pleine phase de colonisation. Après l’immigration majoritairement irlandaise amorcée sur le territoire dès 1830 succède l’arrivée de plusieurs familles canadiennes-françaises à partir de 1850.
Les nouveaux arrivants s’approprient un espace sauvage hostile et peu fertile. Dans son livre, Civilisation traditionnelle des Lavalois (1951), sœur Marie-Ursule Sanschagrin décrit les premiers établissements de ses colons :
« D'abord, il s’agissait d’abattre les arbres, non seulement pour défricher le terrain, mais pour se procurer du bois de chauffage et surtout le bois nécessaire à la construction de la maison : une toute petite maison d’une seule pièce, faite en bois rond ou carré. Oui, une seule pièce, pas de chambres ; un lit dans chaque coin. On séparait les lits des garçons par une croûte. Jamais de peinture. On lavait les murs. Une fois que le bois dont on avait besoin, était enlevé, on brûlait le reste et sur les cendres on semait le grain et les patates ».
C’est également durant cette période que Krieghoff s’attache à peindre ces paysages et à pénétrer cet espace sauvage. Prioul l’explique très bien :
« Krieghoff insiste désormais sur le résultat d'une pénétration avancée à l'intérieur d'un espace ingrat, non domestique. Le Chevreuil abattu, c.1859, ou L'hiver dans les montagnes de Laval, près de Québec, 1863, de la collection Thomson sont emblématiques de ces représentations. Une troisième percée, plus profonde encore, se joue sur le mode de la réussite ou de l’échec. La limite se vit alors comme une enclave, une percée extrême, en plein espace sauvage, sans lien visible de rattachement au monde extérieur (L'artiste à l’œuvre, c.1860, collection Thomson).»
L’Art Gallery of Ontario détient 3 toiles de Krieghoff représentant les paysages de Laval et sa période de colonisation.
La première intitulée Settler’s House, Laval (1863) nous montre l’environnement d’une maison colonisation et sa dépendance, mais aussi le puits et le four à pain. Au centre de cette toile, on peut y voir les activités des colons.
À ce sujet, Prioul explique :
« Les oeuvres de Krieghoff, peintes à Québec, cherchent ainsi à créer une familiarité avec des espaces en les faisant renaître sous la forme d'images nettes et claires. Il peint la vie facile et montre les bienfaits d'une économie domestique, organique et préindustrielle, répondant à la satisfaction des besoins immédiats. Cette économie de subsistance se réalise autour du noyau familial (habitants) ou du clan (Amérindiens); les pratiques communautaires relevant essentiellement de la satisfaction des plaisirs. »
Les deux autres toiles (Winter Scene in the Laurentians - The Laval River, 1863 et Winter in the Laval Mountains near Quebec - The Crack in the Ice, 1863 représentent le même paysage, mais avec des variations.
On y retrouve essentiellement les mêmes thèmes autour de la colonisation de l’espace. Une autre toile de Krieghoff, représentant un paysage de Laval, est mentionné dans un article du Bulletin des sociétés de géographie de Québec et de Montréal, en mai 1942. Cette toile s'intitule Cabane de bois rond aux environs de Laval et elle est peinte par Krieghoff en 1858.
Nos recherches ne nous ont pas permis d’identifier d’autres toiles de Cornelius Krieghoff représentant les paysages de Laval, mais il est possible que certaines toiles peintes durant cette période, où le lieu n’est pas précisé, se soient inspirées de notre territoire.
Pour en savoir plus sur Cornelius Krieghoff et son oeuvre : The Journal of Canadian Art History/Annales d'histoire de l’art canadien, Volume XXIV (2003)
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